Résumé
Avec ce cinquième volume mettant en scène Ethan Reckless, le trio Ed Brubaker (scénariste), Sean Phillips (dessinateur) et Jacob Phillips (coloriste) continue l’exploration de cet homme complexe, qui « rend des services » impliquant le plus souvent une plongée dans des affaires sordides. Mais cette fois-ci, les événements vont prendre une tournure plus personnelle.
Peu de temps après le tremblement de terre de San Francisco en 1989, Ethan accepte de partir à la recherche de Rachel, une jeune femme subitement disparue. Il va alors la suivre jusqu’au bout d’un périple sanglant qui réveillera chez lui des émotions nouvelles mais aussi sa propre noirceur intérieure.
Critique
La première particularité de ce graphic novel est qu’il se situe temporellement en parallèle du précédent. Le tome 4 « A Ghost in You » se focalisait sur une enquête menée par Anna, l’amie et associée d’Ethan Reckless. Il est donc préférable de l’avoir lu avant d’attaquer ce nouvel opus car Brubaker s’amuse à faire légèrement interagir les deux récits, en spoilant même une scène-clef du quatrième volume.
Le déroulement de l’histoire est d’ailleurs une énième preuve du talent du scénariste lorsqu’il s’agit de jouer avec le rythme et les attentes des lecteurs. Brubaker va, en effet, faire du temps qui passe un élément important du récit. En suivant des personnages qui essaient de régler des traumas du passé, l’auteur souligne le travail fastidieux et chronophage que mène Ethan Reckless, tout en se permettant des ellipses plus ou moins importantes. La dernière césure temporelle qu’il fait dans le récit est d’ailleurs incroyablement brillante et courageuse : car le scénariste ouvre un troisième acte émouvant et réaliste, tout en nous laissant estomaqués par ce qu’il laisse entrevoir du destin d’Ethan et Anna.
Si les explosions de violence attendues dans ce type d’histoire sont bien au rendez-vous, elles sont aussi plus rares et plus cathartiques que dans les autres volumes. L’intrigue commence, en effet, de façon assez classique mais devient de plus en plus émotionnelle pour Reckless, au point de marquer, à deux reprises, des étapes importantes de sa vie. La maitrise de Brubaker pour ciseler les monologues intérieurs de son protagoniste fait ici des merveilles, révélant par petites touches la dureté et la fragilité d’Ethan.
Mais sous ses atours introspectifs, l’histoire n’oublie pas de nous livrer, comme d’habitude, une intrigue criminelle un peu plus complexe qu’il n’y parait, ancrée dans une réalité historique et sociale des années 70 et propice à révéler toute la cruauté dont peut être capable l’être humain. Brassant les thèmes de l’enfance abusée, de la libération sexuelle, de la vengeance et du pardon, le scénario avance lentement mais surement, alliant coups du sort et inexorabilité des destins avec une fluidité remarquable.
Enfin, il parait presque inutile de dire que le tandem Phillips père et fils nous offre à nouveau des planches qui subliment chaque page du script. Le storytelling y est limpide et la dimension « roadtrip » du récit est parfaitement rendue par les paysages et décors retranscrits avec réalisme et concision.
Mais dans ce tome 5, la plus grande force du travail de Sean et Jacob Phillips est, selon moi, d’avoir su retranscrire visuellement, l’état émotionnel des personnages et notamment celui d’Ethan Reckless. Ici, l’encrage brut et lâché de Sean, allié à la palette subtile et texturée de Jacob, se combinent en une forme d’énergie graphique très organique, presque chaotique, qui accentue le ressenti des colères intérieures ou des douleurs profondes des protagonistes.
Loin de se plier à la seule exigence de représentation du réel, le duo d’artistes parvient à créer des ambiances palpables (notamment nocturnes) et à faire percevoir les émotions les plus refoulées. Il y a, dans ce tome, selon moi, quelque chose de Michael Mann (Heat, Révélations Collateral) avec cette retranscription purement visuelle du tumulte intérieur des héros. Par la grâce d’un dessin qui capte l’essentiel de chaque scène et d’une ambiance chromatique qui titille l’empathie du lecteur, « Follow me down : a RECKLESS book » laisse entrevoir le cœur de son héros aux mains ensanglantées par la violence.
Conclusion
La lecture de ce cinquième tome de RECKLESS ne déçoit aucunement. Bien au contraire, elle montre que, malgré le rythme de sorties des volumes, les auteurs ne nous lassent pas et réussissent à approfondir leurs personnages. Pire, ils renforcent notre attachement aux deux héros de la série, ainsi que nos inquiétudes quant à leurs destins qui semblent teintés de drames à venir.
Difficile alors de lire dans la postface signée Ed Brubaker qu’ils ont choisi de mettre RECKLESS en pause le temps de se consacrer à un nouveau projet (tout aussi alléchant). Car à l’issue de ce tome, l’envie de retrouver au plus vite Ethan Reckless et Anna n’a jamais été aussi forte.
Olivier (http://stylecomics.art/)
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POINTS FORTS :
- Scénario intense et touchant
- Ethan Reckless, plus humain que jamais
- Le réalisme dans la description de l'enquête
- Des planches graphiquement belles et imprégnées d'émotion
POINTS FAIBLES :
- Il va falloir attendre longtemps le tome suivant
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