Résumé :
1957. L'URSS envoie la chienne Laïka en orbite autour de la Terre. Deux années plus tard, les États-Unis réitèrent l'expérience avec l'envoi de deux singes, Able et Baker. Les morts successives des cobayes des missions Spoutnik 2 et Jupiter scellèrent la fin des programmes russes et américains de conquête de l'espace pour réorienter les efforts des deux empires vers l'armement. Lors du démantèlement d'un projet spatial à Cape Canaveral, un scientifique - le docteur Donald Pembrooke - met cependant la main sur un relevé qui prouverait contre toute attente que les animaux auraient survécu...
Critique :
Après un run sur « Green Arrow », le fabuleux « Joker : Killer Smile » et l’oppressant « Gideon Falls », le fabuleux duo composé de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino revient avec Primordial. Ils se sont essayés, avec succès, au super-héros et à l’horreur, ils arrivent aujourd’hui avec un récit de science-fiction sous fond de Guerre froide.
Au coeur des années 60, les USA et l’URSS se livrent un véritable duel pour la conquête de l’Espace. Lequel prendra le meilleur sur l’autre ? Et par quels moyens ? De cette époque, nous n’avons que des informations sommaires, floues ou savamment dissimulées. Néanmoins nous savons au moins une chose : l’utilisation d’animaux dans l’Espace. La chienne Laïka pour les russes, Able et Mrs Baker pour les américains. Jeff Lemire se sert de ce postulat pour déployer les bases de son fascinant récit. Car s’il a été dit que Laïka est décédée peu de temps après le lancement de la fusée et Able et Mrs Baker vivants, qu’en est-il vraiment ? Et si l’Histoire avait été tout autre ? Et s’ils n’étaient jamais revenus ? Le brillant auteur canadien et le dessinateur virtuose italien nous conte leur vision dans cette oeuvre audacieuse.
Quête ou conquête ?
Le récit s’ouvre en trois temps. 1959 et l’envoi d’une capsule dans l’Espace avec à son bord un petit singe. Ensuite, 1961, Cap Canaveral et l’arrivée du professeur Donald Pembrook venu ranger des dossiers sur le programme spatial américain étonnamment suspendu. Retour à 1959 et la disparition mystérieuse de Able observée par les scientifiques de la NASA.
Alors en pleine Guerre Froide, Jeff Lemire déploie alors un récit d’espionnage où nous suivons Pembrook, rejoint plus tard par la chercheuse russe Yelena Nostrovic, enquêter sur le mystère de la soudaine clôture des programmes spatiaux. La paranoïa devient alors le maître mot de cette course-poursuite effrénée pour la vérité. En parallèle de ce récit haletant, l’auteur de Gideon Falls dévoile le destin réservé à ces animaux et leur disparition énigmatique. Ces derniers, enlevés par une civilisation extraterrestre inconnue, résident dans un espace-temps abstrait, où le temps a son propre rythme et la physique sa propre loi. Un endroit où Laïka est d’abord seule avant d’être rejoint par ses confrères chimpanzés. Dans ce lieu, ils vont affronter l’inconnu pour ensuite accéder à une forme de conscience d’eux-mêmes.
La vérité est ailleurs
En narrant ces deux trames, Jeff Lemire développe de nombreuses thématiques comme les théories du complot ou encore les vérités cachés par les gouvernements mondiaux dans la partie espionnage, la solitude, l’isolement et la maltraitance animale dévoilés dans cette bulle hors-temps où se situent les trois animaux. A l’instar de « Nou3 » de Grant Morrison, Lemire questionne sur l’exploitation des animaux par l’homme comme simple sujet expérimental et scientifique. A travers les flashbacks de Able ou Laïka, il est révélé toute l’absurdité et l’idiotie de l’espèce humaine. Pour atteindre et assouvir ses ambitions sans limites, l’être humain est prêt à toute les cruautés. Des lors, qu’en est-il de la sensibilité animale ? Que faire de leur conscience ?
Une fois de plus, l’auteur canadien brille par sa capacité à nous faire ressentir une multitude d’émotions, de l’angoisse au déchirement, notamment grâce à la magnifique écriture de ses personnages.
Sorrentino au-delà du réel
Si Jeff Lemire brille à la narration, Andrea Sorrentino illumine nos pupilles par la beauté irréelle de ses planches. Livrant une composition assez classique et réaliste sur l’enquête portée par des traits épais une palette de couleurs sombres, l’artiste explore les limites du medium dans sa vision onirique du voyage spatial et de cet espace coupé de toutes réalités. Déjà brillant dans « Gideon Falls » ou « Joker : Killer Smile » dans lesquels il avait fait preuve de découvertes graphiques déroutantes, il repousse une fois de plus les frontières de l’imagination et de l’émotion. Ses planches deviennent viscérales et être lecteur devient une toute autre expérience. Plus que lire, on ressent chaque page dessinée par le maestro italien.
Conclusion :
Avec « Primordial », Lemire et Sorrentino propose un nouveau récit singulier et intriguant. Si certains reprocheront, avec raison, un manque de révélations ou un univers moins riche qu’un « Descender » ou un « Sweet Tooth », la richesse de l’oeuvre se trouve dans les émotions suscitées, la profondeur de ses personnages, ses thématiques importantes et ses planches inoubliables.
Derrière son synopsis assez simple, « Primordial » va au-delà du simple récit de science-fiction autour de la conquête spatiale pour livrer une ode déchirante et un plaidoyer pour la condition animale et à l’exploration de nos émotions grâce une immersion sensorielle totale. Un récit inoubliable par l’un des meilleurs duo du monde des comics !
Olivier.
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