Résumé :
2367, aux confins de la galaxie. L'humanité a épuisé toutes ses ressources et doit sa survie à l'exploitation des corps de gigantesques Dieux morts flottant dans l'espace.
Le Vihaan II est l'un des nombreux vaisseaux nécropsiques qui arpentent le cosmos dans l'espoir de trouver ces divinités providentielles. Mais Georges Malik, son capitaine, nourrit une obsession : pourquoi les Dieux ne se révèlen t-ils que lorsqu'ils sont morts ?
Pour tenter de s'émanciper d'un système à bout de souffle et gangréné par les inégalités, tout l'équipage s'embarque dans un périple sous haute tension à la recherche d'un Dieu... vivant.
Critique :
L'Humanité s'est gavée et a fini par être à court de toutes les ressources qu'elle pouvait trouver dans l'univers connu. Son salut est venu de corps célestes humanoïdes gigantesques, apparaissant dans notre plan d'existence, systématiquement morts.
D'abord adorés, ces Dieux ont finalement remplacé une Nature rendue stérile par l'Homme comme source de matières premières. Tout est utilisé : des habits des entités à leur viande, organes et os compris.
Des vaisseaux dits nécropsiques s'organisent pour se partager le butin lors d'un ballet très réglementé et contrôlé, avec attribution d'une zone précise pour chaque vaisseau sans marge de négociation.
Évidemment cela donne lieu à des inégalités qui n'ont fait que croître avec la diminution des apparitions de Dieux : les vaisseaux qui ne sont pas dans les petits papiers doivent de plus en plus se contenter de miettes.
La hiérarchie imposées dans ce dépeçage ne convient plus à certains, en particulier à Georges Malik qui a par le passé causé de lourds dégâts matériels comme humains en tentant de sortir de son lopin de Dieu. Un accident pour lequel il n'a jamais été reconnu comme responsable et qui, s'il ne lui a pas appris à se ranger l'a poussé petit à petit à réfléchir et à trouver de nouvelles ambitions : désormais ce qu'il souhaite plus que tout, son obsession, c'est trouver un Dieu vivant !
Mais dans cette quête, les cadavres bien humains qu'il a causé continuent de le suivre, et une ennemi saisira la première opportunité donnée pour accomplir une vengeance qu'elle sait juste.
Le concept est génial, avec un univers très bien structuré.
Tout d'abord grâce aux procédures en place pour les équipages des vaisseaux nécropsiques faisant office de gimmicks pour le lecteur, le fameux "Il est midi et tout va bien" sonnant comme une litanie avant le rituel macabre du désossage céleste.
Ensuite, car la construction du récit s'articule autour de nombreux allers-retours entre plusieurs périodes, toujours de manière très claires en venant nous éclairer pas à pas sur le passé du Capitaine et de son équipage, ses motivations et les raisons d'être haï par l'antagoniste principal.
Al Ewing utilise cette base pour développer une critique directe et sans concession du capitalisme en roue libre et du mode de vie qui va avec (le nôtre) où l'on (sur)consomme tellement – et tellement vite – qu'on ne prend plus la peine de chercher ce qui se cache derrière nos produits : des produits oubliés sitôt consommés, sans réflexion malgré les dégâts humains et écologique qu'ils ont pu produire.
Ce mode de vie qui étouffe la Foi, cette recherche spirituelle de forces qui nous dépasse, et qui ici détruit littéralement des objets de culte pour des besoins mercantiles.
Et si le récit peut parfois sembler nébuleux, il nous force en tant que lecteur à réfléchir au produit culturel que l'on tient, à ne pas le lire bêtement pour l'oublier rapidement.
Mais le comics n'est pourtant pas dénué de défauts, à commencer par un rythme un peu trop précipité qui semble chercher à nous emmener au plus vite à son twist final qui retourne aussi bien le récit que le cerveau, et donne envie de comprendre ce qui se passe ainsi que les réels enjeux.
La promesse de cette recherche de Dieu vivant est supplantée par une course poursuite sous un prétexte de vengeance, avec une destination finale qui apparait littéralement comme un deus ex machina. Mais si cette facilité apparente peut surprendre, on se doute aussi que les réponses seront amenées par la suite et que l'on finira très certainement par comprendre, la fin s'occupant de pérenniser notre intérêt.
Enfin, et malgré des scènes nous exposant les personnages et les relations voire secrets qu'ils entretiennent, il peut être compliqué de s'investir émotionnellement tant ces points sont traités comme secondaires.
De son côté Simone Di Meo assure sur le dessin avec un découpage dynamique qui passe de l'intimiste au grandiose, avec toujours un subtil rappel du cosmos comme calqué en arrière-plan, visible par une légère transparence même derrière les personnages.
Les Dieux sont toujours gigantesques, toujours magnifiques, et on peut sans mal s'imaginer la scénographie hyper solennelle rythmant les découpages de carcasses : on en prend plein les yeux !
Dans les lieux plus fermés comme les vaisseaux (aux designs très convaincants), il arrive à faire ressentir une certaine oppression claustrophobique ; et malgré les nombreux gros plans et cases aux formats improbables qui resserrent l'action et rapprochent des personnages pourtant dans des lieux séparés, on arrive à visualiser l'organisation globale des différentes pièces nécessaires à la tâche pour laquelle l'appareil a été conçu.
La colorisation franche de Mariasara Miotti est particulière, déroutante au départ (et dont l'impression sur papier a pu être décriée pour son rendu très sombre) mais permettant de donner une ambiance marquée à chaque personnage, chaque lieu, avec des couleurs qui semblent parfois se mélanger ou au contraire s'affronter dans une même case au gré des interactions.
Conclusion :
Derrière son titre à rallonge, We Only Find Them When They're Dead propose un univers de SF définitivement intéressant et très bien codifié.
Même s'il aurait mérité un peu plus d'exposition, il permet à son auteur de proposer des réflexions pertinentes qui devraient être développées sur la longueur. Seule la suite permettra (peut-être) de confirmer la direction que prendra réellement le récit et sous quelle forme il se poursuivra après le coup de massue de la dernière page, pour tenir la promesse initiale de recherche de l'origine de ces Dieux morts.
C'est en tout cas un très bon début qui donne envie d'en voir et d'en savoir plus !
Fabien.
We Only Find Them When They're Dead - Tome 2
Résumé :
2414. Cinquante ans de sont écoulés depuis la mission funeste du Vihaan II. Jason Haueur, membre survivant de l'équipage du capitaine Malik, mène une vie de prisonnier dans un monde désormais déchiré entre les Récolteurs et les Adorateurs des Dieux.
Quand Marlyn Chen, l'ambassadrice des Planètes Internes, de séplace au sein des colonies rebelles pour négocier un traité entre les deux clans, Jason se retrouve plongé au coeur d'une machination impliquant son ancien capitaine d'une façon qui dépasse l'entendement...
Critique :
We Only Find Them When They're Dead avait très bien commencé grâce à un premier tome dynamique et un concept très fort complété par des thèmes on ne peut plus d'actualité.
Ce démarrage avait cependant pour défaut de se concentrer sur une course poursuite dont le but était de nous amener vers un twist final grandiose nous laissant beaucoup de questions sur la direction qu'allait pouvoir prendre la série après ça.
C'est donc avec un mélange de grandes attentes et d'appréhension que j'ai abordé cette suite.
Ce qui marque dès le départ – et comme la quatrième de couverture l'annonce – c'est le changement de contexte : nous sommes plus en 2367 mais en 2414 et donc des dizaines d'années ont passées.
On fait la connaissance de Marlyn Chen qui se rend en mission diplomatique dans une colonie qui s'est construite autour du corps de Malik, devenu l'équivalent des Dieux qu'il cherchait et apparu dans notre réalité au moment de sa mort comme le montrait la fin du tome précédent.
Un lieu qui a été nommé "l'Envolée de Malik", et qui est rapidement devenu un zone à défendre par les croyants d'un mouvement résurgent qui refuse l'exploitation des Dieux pour servir le consumérisme, et voient en cet homme est parti puis revenu transformé et ayant vu "de l'autre côté" une sorte de prophète dans la mort.
Mais cette position est de plus en plus difficile à tenir pour les croyants.
D'une part à cause des apparitions de Dieux qui se font de plus en plus rares voire inexistante, mettant toujours plus de pression sur un système qui en vient alors à vouloir négocier pour tirer profit d'une entité intacte : c'est la raison annoncée de la mission de Marlyn.
De l'autre par des dissensions internes : des divergences de croyances entre ceux qui préfèrent idolâtrer la personne de Malik, considérant qu'il s'agit effectivement d'un humain devenu Dieu et que leur foi pourrait les conduire au même sort, et ceux qui préfèrent penser au-delà de l'objet de culte et du prophète en vénérant l'idée de cet autre côté dans une quête spirituelle plus pure en intentions.
Bien évidemment, peu de personnages s'avèrent avoir réellement les intentions qu'ils annoncent, ce qui donne lieu à une histoire mélangeant intrigues politiques à base de dialogues, moments d'actions et pas mal de surprises et de révélations.
Ce tome 2 propose un premier niveau de lecture plus agréable, avec toujours différentes périodes, plus qu'avant même, et des allers-retours fréquents mais toujours sans perdre le lecteur.
La galerie de personnages à été quasiment intégralement renouvelée. Dans le tome 1 il était difficile de construire de l'empathie pour eux ; dans ce tome 2 il est d'emblée clair qu'ils ne sont pas là pour ça : l'ambiance est à la SF assez froide, donnant une place importante à la réflexion par des dialogues qui vont rarement chercher dans l'émotionnel mais plutôt dans la logique et les tractations politiques.
Et même si les caractères sont plutôt marqués, que les personnages ont chacun leur propre passé expliquant leurs actions présentes, et peuvent se montrer expressifs, on sent qu'ils sont sacrifiables et qu'ils ont chacun une fonction précise pour l'intrigue et pour le développement des thématiques au cœur de l'œuvre.
En cela, le comics me rappelle de plus en plus les écrits d'Isaac Asimov et en particulier Fondation dans sa première moitié – que j'aime beaucoup – qui utilisait des bonds dans le temps importants entre chaque arc, avec des personnages pensés avant tout pour dérouler une réflexion, un propos.
Ici, le propos est dans le prolongement direct de ce qui était traité dans le tome 1, : une charge contre le capitalisme et l'exploitation des ressources humaines et naturelle, avec une emphase un peu plus importante sur le végétarisme.
C'est peut-être le point avec lequel j'ai eu plus de mal dans le récit : n'étant pas moi-même végétarien mais comprenant les arguments en faveur de ce mode d'alimentation, je me suis pris en pleine face mon hypocrisie de lecteur en étant d'accord avec le message sans pour autant avoir la volonté de l'appliquer. Pour autant, et même si cette lecture ne m'a pas fait changer d'habitudes alimentaires, la manière très directe mais pas moralisatrice d'amener la réflexion m'a beaucoup plu : une dissonance cognitive assez saine finalement dans le fait qu'elle force à prendre du recul sur ses propres convictions (mais à force de recul pourrait sortir d'autres personnes du récit).
Difficile de trop en dire sans spoiler, mais pour prévenir tout de suite les éventuelles déçus du manque d'explications sur le mystère principal, j'ajouterai que la fin ne nous donne toujours pas de réponse claire sur l'origine des Dieux mais annonce des pistes : en réalité les personnages se questionnent tout autant que nous, et c'est donc un mystère dont on va suivre la résolution en même temps qu'ils cherchent des moyens pour s'approcher des réponses, sans savoir s'ils vont réussir à les saisir à un moment.
La suite, elle, promet un nouveau changement de ton et de contexte tout en conservant un élément liant le tout, et il me tarde de découvrir l'axe narratif choisi !
Les dessins sont toujours excellents et précis, surtout dans la majesté de certains plans et malgré quelques passages d'action qui peuvent être un peu confus quand s'enchainent les plans assez serrés.
Les couleurs sont toujours assez sombres mais comme sur le tome 1 ça ne m'a pas spécialement dérangé. J'ai cependant moins eu cette impression d'affrontement des couleurs dans les cases pendant les dialogues ou affrontement physiques des personnages, à la place celles-ci servent surtout à marquer les ambiances des lieux.
Conclusion :
Si j'avais déjà beaucoup aimé le premier tome, ce deuxième fait selon moi quasiment tout en mieux et semble assumer pleinement ses choix de narration et de focus : on comprend mieux la construction souhaitée en arcs très différents, et on accepte mieux que l'univers ne soit pas développés dans ses moindres détails, mais de ne connaître que ce qui est nécessaire à ce qui est raconté.
Encore une fois, la fin donne envie de connaître la suite et je suis pleinement rassuré sur le fait que Al Ewing sait où il va, et j'ai foi en sa capacité à savoir prolonger son univers en le renouvelant profondément.
Fabien.
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